ZAN en Bretagne : de la théorie à l'actionComment se loger et entreprendre en préservant les sols
26 novembre 2025
Palais des Congrès et des Expositions de la Baie de Saint-Brieuc |
Et si nous, élu·es, professionnel·les, expert·es de l’aménagement et du foncier en Bretagne, nous prenions la parole pour exprimer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qu’il faut changer, et les outils qu’il reste à inventer ?
En cette période de fin de mandat municipal, venant clore une période importante de « changement de logiciel » dans le développement de nos villes et villages, le moment est venu de capitaliser sur notre expérience, nos réussites, mais aussi les nouveaux défis à relever en matière d’aménagement du territoire.
Pour réussir ensemble l’objectif Zéro Artificialisation Nette impulsé par la loi Climat et Résilience, la Conférence Régionale de Gouvernance du foncier en Bretagne (CRG) se tourne vers les élu.e.s locaux, acteurs et actrices de terrain pour poser le diagnostic et formuler des propositions concrètes en matière de mise en œuvre de la sobriété foncière.
L’objectif : construire ensemble un « Livre blanc du foncier en Bretagne » pour faire bouger les lignes et faire évoluer tous les outils (locaux, régionaux, nationaux) au service de la sobriété foncière et de l’aménagement des territoires.
Ces outils peuvent être techniques, fiscaux, réglementaires, inclure des propositions législatives, et permettront de consolider l’expression bretonne dans le dialogue national sur les besoins pour accompagner, expérimenter, et différencier l’action collective vers le ZAN 2050.
La journée ZAN en Bretagne du 26 novembre 2025 est un point d’étape important de cette co-construction du livre blanc.
La matinée sera consacrée au bilan de la première phase de concertation en ligne (près de 1 200 Contributions, 5000 réactions, 250 collectivités ou organismes qui ont participé sur la plateforme l’Atelier Breton…
L’après-midi, seront proposés des travaux en atelier pour affiner et sélectionner les propositions qui pourront intégrer le livre blanc, et traiteront de l'enjeu du foncier comme un véritable projet de société sous l'angle économique, social et environnemental.
Programme de la journée
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9h30 |
Accueil |
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10h00 – 12h45 |
Table ronde, témoignages et regards d’expert.e.s |
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12h45 |
Pause déjeuner |
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13h45 |
Travail en ateliers |
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16h30 |
Conclusions et perspectives |
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17h00 |
Fin des travaux |
Matinée - Synthèse et analyse des propositions de la consultation « ZAN en Bretagne »
Pilier 1 - Comment mieux protéger l’environnement avec le ZAN ?
Rapporteure : Sarah Dubeaux, Docteure en géographie et aménagement - Déléguée générale du LIFTI
Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) est plus qu’un slogan : c’est la première étape d’une révolution silencieuse qui transforme notre rapport aux sols et nous concerne tous, comme en témoigne la directive Sols finalisée par l’union européenne le 29 septembre 2025.
La première phase de la consultation ZAN en Bretagne témoigne d’un consensus sur le fait que les sols bretons ne sont pas interchangeables : chaque mètre carré porte des fonctions biologiques, hydriques, climatiques et agronomiques spécifiques, qu’aucun modèle actuel de compensation ne sait aujourd’hui restituer totalement. Derrière le ZAN, une question cruciale, donc : comment passer de la problématique de la consommation des espaces à la prise en compte des sols vivants, c’est-à-dire d’un simple calcul surfacique à la mesure des services écosystémiques qu’ils rendent ? Si le ZAN en Bretagne s’est rapidement incarné dans les documents de planification, sa mise en œuvre résultera des choix collectifs, et des compromis, tous corps de métiers et secteurs confondus. Comment s’assurer que la qualité des sols prime sur les conflits d’usages et le jeu des exceptions, au nom « des priorités du moment » ? Faut-il sanctuariser plus de sols, inventer de nouveaux modes d’aménager, ou créer une gouvernance innovante capable de faire circuler (enfin) les fonciers urbains, vers l’agricole et le naturel (ENAF) ? Comment compenser de manière objective, et garantir une équivalence écologique des surfaces échangées ? Comment mieux sensibiliser le grand public et les aménageurs à la valeur écosystémique des sols et enjeux qui en découlent ?
Au-delà et après les contraintes normatives, le Livre blanc du foncier en Bretagne doit ouvrir un terrain de recherche et de développement pour les territoires entre urbanisme, climat et innovation, visant à repenser le rapport aux sols vivants.
Pilier 2 -Comment améliorer la vie des breton.n.e.s avec le ZAN ?
Rapporteur : Romain Thomé, Avocat associé - Droit public - Spécialiste en droit Immobilier
Le ZAN impose une révolution culturelle aux aménageurs, urbanistes et élu.e.s bâtisseurs, sommés de changer le logiciel d’aménagement, et de trouver de nouveaux moyens de répondre aux attentes des habitants et acteurs économiques.
Devant ce défi, la consultation ZAN en Bretagne tend à démontrer que deux tendances co-existent : les professionnels qui estiment que tous les outils sont déjà là et suffisants et que le renouvellement urbain est une question de choix, voire de courage, et ceux qui pensent que le ZAN implique un renouveau des outils opérationnels, visant à oser secouer les vieilles recettes d’urbanisme qui ne marchent plus.
Une troisième voie reste à creuser, sur la base d’une certitude partagée : repenser la ville et le village bretons sans passer par une densification « à la hussarde ». Comment inventer une densité douce, créative, qui ne nie pas l’existant mais le recompose : transformer nos espaces monofonctionnels, nos lotissements, nos zones commerciales, nos quartiers denses, nos parkings, en espaces hybrides, plus vivants et plus désirables ? C’est ici que le défi social rejoint le défi foncier : faire plus de lien et plus de vie avec moins d’espace. Derrière le ZAN breton se cache donc un double enjeu : celui des sols vivants préservés ou retrouvés, mais aussi celui des espaces urbains, périurbains et ruraux plus justes et plus dynamiques : des sols vivants socialement.
Mais le ZAN, c’est aussi, pour l’instant, un jargon pour initiés. L’acceptabilité du ZAN est-il son talon d’Achille ? Le défi est de montrer, tester et inventer de nouvelles manières d’habiter où la sobriété foncière devient une promesse de qualité de vie, pas une punition. Pour ce faire, le Livre blanc du Foncier en Bretagne doit-il « hacker » le code de l’urbanisme, afin d’en faire un outil de différenciation régionale, territoriale et de développement participatif et démocratique ?
Pilier 3 - Trouver un nouveau modèle économique au ZAN
Rapporteur : Marie Llorente, Consultante-Chercheure, Economiste de l’aménagement
Comment concilier un contexte de finances publiques toujours plus serrées et la généralisation urgente du renouvellement urbain qui à l’heure actuelle, semble plus couteux que le modèle d’étalement urbain ? Comment créer un nouveau modèle d’aménagement qui promeut les projets vertueux en matière de foncier tout en continuant à se développer ? Voilà les défis que les collectivités doivent relever pour atteindre leurs objectifs de réduction de la consommation foncière.
Permettre aux communes et aux porteurs de projets de trouver les marges de manœuvre financière nécessaires à la réalisation d’opérations de réhabilitation, reconstruction, réaménagement passe sans doute par la refonte des outils de redistribution et de péréquation que sont les dotations de l’Etat et des autres collectivités territoriales en y introduisant la maîtrise du foncier comme clé principale de répartition. Mais, cette refonte devra veiller à ne pas pénaliser les territoires les “détendus” déjà moins appréciés par le marché privé et ce dans un souci d’équité territoriale.
Une modification de la fiscalité peut elle aussi, être envisagée pour inciter les porteurs de projet à plus de sobriété, en modulant le niveau de taxation en fonction de la consommation foncière. Et il nous reste à inventer de nouvelles façons de faire pour aider à financer le ZAN.
D’une manière générale, tout nouvel outil de financement qu’il relève des dotations ou de la fiscalité, doit donner lieu à de sérieuses études d’impact permettant de déjouer d’éventuels effets pervers à sa création, sa généralisation ou sa modification.
Après-midi : ateliers de travail sur les nouveaux outils du Livre blanc (phase 2 de la consultation « ZAN en Bretagne »)
Inscrivez-vous dans un des 9 ateliers :
Env-1 : Vers un ZAN « qualité des sols »
L'artificialisation est définie dans l'article 192 de la loi Climat et résilience comme "l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage." Si le « Zéro Net » implique la possibilité de renaturation de sols en compensation de terres artificialisées, comment s’assurer de l’équivalence écologique des terres ainsi échangées ? Comment évaluer les fonctions biologiques, hydriques, climatiques et agronomiques d’un sol et protéger les sols bretons ?
Env-2 : Au-delà de la planification, un effort collectif
Le cadre législatif et réglementaire actuel précise que le calcul du solde d’artificialisation nette des sols (flux) se jouera uniquement dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme, et non à l’échelle des projets. Au-delà du rôle prépondérant des SRADDET, SCOT et PLU/I, comment s’assurer que la démarche ZAN intègre l’ensemble des dispositifs et acteurs de l’aménagement ? Quelles sont les limites d’un ZAN centré sur la planification ? Comment éviter la surenchère des potentielles « exceptions au ZAN » imaginées à l’échelle nationale et/ou locale (exemples : industries, projets nationaux et européens, agriculture, énergies renouvelables…) Faut-il intégrer une prise en compte du ZAN à tous les projets à partir d’un certain seuil ?
Env-3 : Mieux prévenir, éviter, réduire et compenser les impacts
L’application de la séquence éviter/réduire/compenser (ERC) ne concerne actuellement que les projets soumis à évaluation environnementale, soit « 10% à 15% des projets émis en France », ce qui signifie donc que dans 85% à 90% des cas, la séquence ERC n’est pas appliquée. Comment repenser le triptyque ERC à l’ère du ZAN ? En matière d’évitement d’abord, faut-il élargir le périmètre des sols « sanctuarisés » en Bretagne, notamment sur le littoral ? Comment mieux réduire les impacts de l’artificialisation, lorsqu’elle est autorisée, avec les nouveaux modes d’aménager ? Enfin, en matière de compensation, quelle échelle, quel dispositif technique et quelle gouvernance imaginer pour favoriser la circulation des fonciers artificialisés vers les fonciers agricoles et naturels ?
Soc-1 : Faire évoluer nos procédures d’urbanisme
Les outils actuels d’urbanisme opérationnels, mais aussi de planification, sont-ils encore adaptés aux défis conjugués du ZAN et de l’adaptation aux besoins et aspirations de nos concitoyens, qu’ils soient bien connus ou émergents ? Comment donner aux collectivités et professionnels de vrais leviers fonciers, une puissance publique renforcée et simplifiée, des outils solides et adaptés pour recomposer les tissus urbains existants, tout en garantissant la participation citoyenne et la prise en compte de la qualité de vie ? Les propositions traitées lors de cet atelier impliquent un débat de fond : voulons-nous un urbanisme de continuité, ou bien une réinvention radicale des procédures pour répondre aux objectifs de sobriété foncière et de participation, voire de co-construction citoyenne ?
Soc-2 : Vers un renforcement de la densification douce et de la mixité des espaces
Outre la surconsommation foncière, le modèle extensif de l’étalement urbain, dont la Bretagne a par le passé suivi le chemin, présentait également de nombreux impacts négatifs du point de vue social : relégation et spécialisation sociale des quartiers en fonction du revenu et de l’accessibilité à la propriété, mais aussi spécialisation fonctionnelle de villes « découpées » séparant lieux de travail, d’habitat, de consommation et de loisir. Le changement de logiciel attendu par le ZAN implique de faire à foncier constant, sans extension, et donc de « faire avec » cette ville héritée, c’est-à-dire l’ensemble de ces grandes typologies d’espaces existants, urbains et périurbains, souvent monofonctionnels. Au-delà de la densité, comment recomposer nos quartiers (résidentiels, commerciaux, économiques…) avec créativité et pragmatisme, en bousculant les idées reçues ou établies, de manière à mieux produire aujourd’hui une ville, au sens large, qui peine à se réinventer ?
Soc-3 : Acculturation, connaissance et acceptabilité du ZAN
Rendre le ZAN intelligible et acceptable ne se limite pas à produire des objectifs chiffrés ou des cartes : il s’agit de repenser la manière dont les collectivités, les professionnels et les habitants appréhendent l’habitat, l’aménagement et le foncier. Comment construire une culture commune autour de la sobriété foncière et de la densification, quand les représentations restent souvent fragmentées voire contradictoires ? Faut-il produire des outils pédagogiques, des référentiels ou des simulations pour montrer les possibles, ou bien miser sur l’expérimentation de formes d’habiter nouvelles et réversibles ? La question est de co-construire et de rendre lisible les avantages d’un nouveau modèle d’aménagement acceptable, voire désirable, tout en garantissant la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers.
Eco-1 : Ajuster le système de dotations de l’Etat pour encourager la logique ZAN
Le système de dotations de l’État, en redistribuant des ressources aux collectivités territoriales selon des critères divers, demeure un levier puissant. Mais aujourd’hui, il n’est pas calibré pour valoriser les territoires les plus vertueux en matière de préservation des sols. Ajuster ce système revient à réformer les critères d’attribution : intégrer des indicateurs d’artificialisation, moduler les montants selon les performances environnementales, favoriser les communes engagées dans la renaturation. L’enjeu est double : encourager les comportements pro-ZAN sans pénaliser les collectivités aux ressources déjà contraintes, et garantir la cohésion territoriale. La refonte réfléchie du mécanisme de dotations peut-il devenir l'outil central pour traduire l’objectif ZAN en action concrète dans l’intérêt des territoires et de l’environnement national ?
Eco-2 : Une taxation solidaire pour financer la résilience de la Bretagne
La fiscalité locale reste encore largement liée à l’urbanisation « et au linéaire de voiries » : taxe d’aménagement, droits de mutation et valorisation du foncier constructible constituent des ressources essentielles pour nombre de communes. Ce système crée une dépendance à l’extension urbaine, contraire à la mise en place du ZAN. Comment adapter la fiscalité afin de donner aux collectivités et aux porteurs de projets vertueux de réelles marges de manœuvre ? Comment compenser la perte des recettes liées à l’urbanisation, valoriser fiscalement la réhabilitation, la densification et la renaturation, et mettre en place des mécanismes de solidarité entre territoires, pour sortir de la logique punitive ?
Eco-3 : Des mécanismes de financement innovants
Les coûts induits par la limitation de l’urbanisation, la réhabilitation des espaces existants et la renaturation dépassent souvent les capacités budgétaires classiques des collectivités locales et des porteurs de projet. Pour rendre possible la mise en œuvre effective du ZAN, quels outils financiers plus souples, capables d’associer acteurs publics et privés doit-on imaginer ? Ces dispositifs doivent-ils permettre de valoriser les bénéfices environnementaux et sociaux, tout en compensant les contraintes économiques ? En favorisant l’innovation financière, pourra-t-on créer de nouveaux équilibres entre développement territorial et préservation des sols ?